Les entreprises de transport public, sous-traitantes des
Transports publics genevois (tpg) dans la zone frontalière, tentent de
contourner le salaire minimum des conducteurs de bus prévu par l’Office
fédéral des transports. Les organisations syndicales suisse, SEV, et
françaises, FO, CFDT et CGT, haussent le ton. Une plainte a été déposée
auprès de l’Office cantonal genevois de l’inspection et des relations du
travail (OCIRT). Elles adressent également une lettre ouverte aux
autorités transfrontalières afin qu’elles ouvrent les yeux sur le risque
de dumping. Lettre qu’elles ont signée ensemble ce mercredi 7 juin au
poste frontière de Moillesulaz.
La
CFDT, la CGT et Force ouvrière (FO) côté français. Le Syndicat du
personnel des transports (SEV), côté suisse. Ensemble, les organisations
syndicales ont mené une action symbolique pour dénoncer le dumping
salarial transfrontalier. L’Office fédéral des transports (OFT) avait
réalisé une démarche inédite en 2014 en promulguant une directive qui
fixe un salaire minimum pour les conducteurs de bus actifs dans le
transport de voyageurs intérieur subventionné. L’OFT s‘était appuyé sur
les salaires usuels pour déterminer un salaire minimal de 58 300 fr. par
année pour 2100 heures de travail. Dans la foulée, un accord a été
trouvé pour appliquer ce salaire minimal dans la région genevoise où la
sous-traitance transfrontalière est très localisée. Les kilomètres sur
le territoire helvétique doivent être rémunérés de manière identique
pour tous les conducteurs, quelle que soit leur entreprise
contractuelle. A cette fin, les entreprises exploitant des lignes
transfrontalières ont mis en place des protocoles avec les travailleurs
pour encadrer l’attribution des primes. « Aujourd’hui, les entreprises
françaises remettent en question cet accord, soit en comparant de
manière fantaisiste le salaire d’un travailleur en France et en Suisse,
soit en introduisant des déductions forfaitaires inadéquates ou encore
en ne payant la prime que lorsqu’il y a des usagers dans les véhicules»,
explique Fabien Framechon, délégué de FO.
Plus largement, les organisations syndicales entendent interpeller
les autorités de chaque côté de la frontière. Elles souhaitent que les
règles et les lois s’appliquent sur les territoires respectifs. Quel que
soit le pays, les organisations syndicales ne peuvent tolérer des
salaires de différents niveaux pour avantager un site aux dépens des
travailleurs. « Si un conducteur vient réaliser tout ou partie d’une
course sur le territoire de l’autre, son salaire doit être équivalent:
ce principe doit être appliqué toujours vers le haut pour éviter le
dumping, précise Valérie Solano, secrétaire syndicale du SEV. En
particulier, la possibilité pour les TPG, de sous-traiter des lignes
frontalières à des entreprises françaises ne doit pas favoriser la
sous-enchère salariale.»
Cela contreviendrait aux mesures d’accompagnement des accords
bilatéraux, mais également à la volonté des membres du GLCT transport
(Groupement local de coopération transfrontalière) de choisir des
opérateurs tiers à qui confier l’exploitation (article 6, al. 3 ) selon les règles applicables à la passation des marchés publics de services de transport, ou par délégation de service public.
« Cette pratique de dumping sévit aussi dans les chemins de fer et
nous avons déjà porté l’affaire Crossrail devant le Tribunal
administratif fédéral qui nous a confirmé le bien-fondé de notre
principe ‹ Des salaires suisses sur sol suisse ›! », rappelle Giorgio
Tuti, président du SEV et président de de la section Chemins de fer de
la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF).
La frontière ne doit pas être un moyen de sous-enchère. Le réseau
franco-valdo-genevois sera bientôt doté d’une épine dorsale avec le
LemanExpress, pourtant le fonctionnement de ce réseau ne peut se faire
qu’avec une capillarité de lignes de bus qui rabattent les usagers vers
les tronçons ferroviaires plus importants. Cet objectif de mobilité ne
doit toutefois pas être atteint au détriment de conditions de travail et
de rémunérations équitables pour les travailleurs des transports, de la
qualité des services de transport et de la sécurité des passagers, des
travailleurs et des marchandises. «Notre métier nous montre bien
l’importance des transports dans la vie des gens, mais aussi nous voyons
bien comme nous sommes dépendants les uns des autres pour faire
fonctionner ces réseaux de transports, explique Alexandre Descombes,
délégué syndical CGT chez Gem’bus, sous-traitant des tpg. Même si on
travaille pour des entreprises différentes, la solidarité est pour nous
une évidence et on voudrait que nos autorités en prennent conscience au
lieu de nous mettre en concurrence.»
Son confrère Michel Bouchaud va dans le même sens: «Nous, les
travailleurs, on réussit toujours à s’entendre», renchérit ce délégué
syndical CFDT chez TP2A. On a besoin que les conditions de travail que
nous négocions soient de bonne qualité sur notre territoire, mais aussi
sur les autres territoires, parce qu’il s’agit de la sécurité des
usagers que nous transportons et de la nôtre.»
Les organisations syndicales ont donc signé une lettre ouverte qui
demande que les conditions sociales introduites dans les appels d’offres
soient plus contraignantes qu’aujourd’hui, de sorte que la mise en
concurrence ne se traduise pas par une détérioration des conditions de
travail.