La conférence sociale, dont nous
approuvons la tenue et la préparation, est avant toute chose pour FORCE
OUVRIERE le lancement d’un processus visant à établir ou rétablir un dialogue
social que je qualifierais de normal.
Même si tout est dans tout et
réciproquement le nombre de thèmes traités pendant ces deux jours est
important. Tous sont d’ailleurs liés au contexte général de crise systémique
depuis 2007 et les liens sont d’ailleurs évidents entre les niveaux
internationaux, européens et nationaux et la nécessité de ruptures dans les
approches si l’on veut sortir réellement de cette crise. Ce qui n’est toujours
pas le cas.
Nous
attendons de cette conférence la création d’une dynamique qui ne doit pas
rester sans suite.
Sur la méthode d’abord et pour la
suite, nous pensons à FORCE OUVRIERE qu’il faut combler un manque, à savoir
l’existence d’une structure transversale de démocratie. Ce qu’était le
Commissariat au plan et qui pourrait être demain un commissariat général à la
prospective. Ce lieu pourrait ainsi être le réceptacle naturel pour la
poursuite du dialogue sur différents points.
Toujours sur la méthode – c’est
là aussi une question de perception de notre démocratie républicaine – nous
distinguons :
- Les décisions et le calendrier qui relèvent de la
responsabilité gouvernementale ou parlementaire avec la nécessité d’une
consultation/concertation. Sur certain de ces points les interlocuteurs
sociaux, sur sollicitations des pouvoirs publics, peuvent d’ailleurs
accepter une négociation. Je pense, par exemple, au contrat de génération.
- Les thèmes qui nécessitent une concertation élargie
parce que concernant différents intervenants en terme de responsabilité et
sans confusion des rôles. Je pense ici par exemple, à la formation
professionnelle.
- Les thèmes qui relèvent de la responsabilité quasi
exclusive des interlocuteurs sociaux qui déterminent leur rythme, leur
champ et leur calendrier. Je pense, par exemple, à la convention
d’assurance chômage ou aux retraites complémentaires.
Si nous précisons ainsi les
choses, c’est également au regard du débat récurrent sur le thème générique de
la démocratie sociale.
Pour aller droit au but, s’il
s’agit d’acter son importance dans le préambule de la Constitution nous n’y
voyons pas d’inconvénient – encore faudra-t-il voir la formule -. Il en est de
même s’il s’agit de modifier la loi de 2007, dite loi Larcher, au regard des
PPL et des procédures d’urgence qui ne prévoient pas ou évacuent la
concertation.
Mais nous n’accepterons pas qu’un
contrat s’impose aux parlementaires, qu’un contrait ait automatiquement force
de loi ou qu’une loi soit négociée alors qu’il s’agit d’une concertation. Je
rappelle que la France est signataire des conventions 87 et 98 de l’OIT
(liberté d’association et de négociation) et que ces conventions
internationales s’imposent à la Constitution. Ce n’est pas une question de
vocabulaire mais une conception de la démocratie républicaine.
Je saisis également ce moment
pour vous indiquer que FORCE OUVRIERE – c’est une des dimensions importantes de
la république sociale – revendique le retour à une véritable hiérarchie des
normes en matière de négociation collective. Je rappelle également que le
consensus n’existe pas sur la loi du 20 août 2008, que FORCE OUVRIERE y est
toujours opposée et que nous avons récemment écrit sur un point particulier au
Ministre du travail.
De ce point de vue, le mélange
des genres et responsabilités conduirait au corporatisme politique. D’une
manière générale, le consensus ne se décrète pas, il se constate à postériori.
C’est aussi pourquoi nous préférerons la libre confrontation des idées et
positions pouvant déboucher sur un compromis à l’objectif souvent ambigu et
réducteur de diagnostic partagé.
Sur le fond maintenant et sans
empiéter sur les 7 conférences qui s’ouvriront tout à l’heure en matière
d’emploi, de pouvoir d’achat, de justice sociale, de protection sociale
collective, de stratégie industrielle ou de service public, il est de notre
point de vue urgent que l’Etat assume, dans le dialogue et la concertation, son
rôle à court, moyen et long terme.
C’est par exemple le cas après
chaque augmentation du Smic pour renégocier les minima conventionnels, c’est
encore le cas pour définir, suivre et contrôler une réelle stratégie
industrielle, c’est encore le cas en matière d’égalité professionnelle.
C’est encore le cas pour arrêter
la RGPP et faire une véritable évaluation du service public républicain. A ce
propos nous nous félicitons de l’initiative du Premier ministre de demander une
évaluation de l’ensemble du service public aux inspections générales. Nous
demandons cependant que celles-ci nous consultent et que leurs travaux fassent
l’objet d’un débat contradictoire avant toutes décisions avant 2013.
C’est aussi encore le cas quand
il faut consolider et améliorer notre système de protection sociale collective
ou entreprendre une réelle réforme fiscale, facteur de justice, de financement
des services publics et de redistribution.
Je ne m’attarderai pas sur toutes
ces questions et d’autres qui seront l’objet des débats à venir.
La crise que nous traversons
impose des changements de logique, raison pour laquelle FORCE OUVRIERE s’oppose
à accroître ce qu’on appelle la flexibilité du travail, outil des excès du
capitalisme financier à l’origine de la crise. J’ajouterai – ce n’est pas un
hasard – que certaines demandes surgissent alors que le chômage augmente et que
le vieux théorème d’Helmut Schmidt (1)
n’a jamais prouvé se pertinence sociale et économique.
Vous connaissez l’attachement de
FORCE OUVRIERE à la pratique contractuelle et conventionnelle, corollaire de la
liberté et de l’indépendance syndicales.
L’économie n’est pas une science
exacte, il n’y a que des politiques économiques, donc des choix. En aucun cas
l’austérité ne peut être une réponse, elle ne peut être que facteur de
récession, de déflation, d’inégalités sociales croissantes, de misère.
Je pense qu’il est de la
responsabilité de chacun d’entre nous d’avoir également à l’esprit que
l’austérité finit par être contradictoire avec la démocratie. Ce qui vaut tant
au niveau national, qu’européen et international, ces deux derniers niveaux devant
également, selon nous, faire l’objet de débats en dehors de cette conférence.
(1) les profits d’aujourd’hui font les investissements de
demain et les emplois d’après-demain.